Deuxième partie. Affrontements dans le domaine économique : enjeux financiers.


2.1 La rationalité

Rationalité scientifique, rationalité économique… La rationalité est le premier argument utilisé pour administrer la recherche. Une rationalité qui renvoie à l’idée qu’il faut être raisonnable, que l’émotion ne doit pas gouverner les choix, que les décisions en matière de recherche doivent relever d’une logique. Or en matière de recherche, rien ne dit que c’est la raison et la logique qui gouvernent l’obtention de résultats. La sérendipité en est un bon exemple.

Gérard Brichon : Photo de Gérard Brichon« Je déplore qu’on fasse disparaître des stations marines sous prétexte qu’on va faire une rationalisation de la recherche. Il y a ça qui est actuellement dans l’air. C’est complètement stupide. C’est antiproductif et c’est antiscientifique. Qui est capable au jour d’aujourd’hui de dire ce qui sera porteur dans cinquante ans ? »

Gérard Brichon audio :

2.2 Les coûts

La maîtrise des coûts et les économies sont bien sûr un argument majeur, pour administrer la recherche. Mais ces arguments ne sont pas sans controverses : faut-il adapter ou faire table rase ? Détruire, mais à quel prix ? Vendre ? Les adaptations et les mises en conformité, aux normes, doivent-elles se faire continûment, ou par paliers, et selon quel rythme ? Faut-il se positionner par rapport à la concurrence, faut-il s’ouvrir ou se replier sur soi ? Les réflexions de Gérard Brichon, Frédéric Fleury, Lionel Collet, ou encore François Gilly, qui tous ont eu en charge la maîtrise des coûts relatifs au fonctionnement de l’Institut Michel Pacha, nous éclairent sur les intentions qui les ont animés.

2.2.1 Détruire ou adapter, modifier

Détruire :

Il est difficile et long de construire. Il est facile et rapide de détruire.

Gérard Brichon : « … par contre si vous avez fait disparaître la station, vous aurez fait disparaître le support. Il faudra donc en créer un nouveau. Et quand on voit la faiblesse des moyens qu’on laisse à la recherche, il est évident que c’est destructeur. Pour monter une station il faut 20 ans, pour monter une équipe de recherche qui marche, il faut au moins 15 ans. Si vous faites disparaître ça vous voyez à peu près ce que vous allez perdre ».

Gérard Brichon audio :

Adapter :

Normes de sécurité, normes éthiques : le bâtiment est aujourd’hui très dégradé et ne correspond pas aux normes en vigueur : normes d’un bâtiment susceptible de recevoir du public, normes européennes, normes électriques, gaz, isolation etc. Gérard Brichon dit aussi que les normes instituées par les vétérinaires font qu’il devenait difficile de travailler à l’Institut Michel Pacha.

Gérard Brichon : « … maintenant on ne peut rien faire sans que les vétérinaires soient présents, on ne peut pas toucher un animal. Vous devez faire une intervention sur un animal, il faut qu’il y ait un vétérinaire présent. Au début, il fallait une autorisation d’expérimenter sur les animaux, encore une connerie qui a été lancée par les mères aux chats et aux chiens qui traînent dans les machins. On fait pas souffrir les animaux quand on travaille dessus, c’est complètement idiot. On apporte un stress qui est tellement fort que tout ce qu’on peut faire n’a plus aucune valeur, on n’a que l’effet du stress, on n’a pas l’effet de ce qu’on veut étudier, c’est débile. »

Gérard Brichon audio :

Par ailleurs, les laboratoires situés derrière le bâtiment principal sont totalement obsolètes et inutilisables. Trop longtemps laissés à l’abandon, ils sont très dégradés. Il faut noter qu’une station maritime se dégrade plus vite qu’un bâtiment lyonnais ; une dégradation principalement due à la proximité de la mer : les embruns, le sel etc.

Pour Jacques Bodennec, c’était effectivement une petite station, mais il aurait fallu investir plus avant. Il confirme son état de vétusté.

Jacques Bodennec : « La station était très très vieille, c’était une très petite station de biologie marine, comparée à de grandes stations comme Roscoff, Villefranche-sur-Mer ou Banyuls, c’est quasiment inexistant en terme de taille, en terme de masse critique, c’est vrai que la station de Tamaris était misérable, entre guillemets, ce qui n’empêchait pas d’y faire du bon travail, autrement dit, mais il aurait fallu réaliser un certain nombre d’investissements, que ce soit dans de nouvelles machines de laboratoire, et en particulier la spectrométrie de masse dont fait mention Monsieur Brichon. Il y avait aussi énormément d’investissement à réaliser dans la rénovation des locaux, la sécurité des locaux, parce que c’est incontournable maintenant. Parce que s’il est vrai, quand j’ai réalisé ma thèse, par exemple, la sécurité au travail, on n’était pas sensibilisé à cet aspect-là comme on peut l’être aujourd’hui. »

Jacques Bodennec (suite sur les équipements de Tamaris) : « et c’est vrai que ce sont des appareils, s’ils avaient été contrôlés à l’époque, je ne pense pas qu’ils auraient passé les contrôles en vigueur. Donc forcément, si l’université (Lyon 1, N.d.A.) avait voulu maintenir l’activité de cette partie physiologie marine à Tamaris, elle aurait été obligée d’investir massivement pour remettre les locaux et les machines aux normes de sécurité actuelles. »

Si Gérard Brichon dit qu’en matière d’adaptation de la station ils n’ont rien fait, et que Jacques Bodennec confirme cette vétusté, néanmoins, pour Frédéric Fleury, ils ont fait de nombreux travaux, le toit notamment. Comme il le souligne aussi, s’il fallait raisonner au prorata des équipes, celle de Gérard Brichon était très petite.

Frédéric Fleury : « Pour vous donner un chiffre, en termes de mètres carrés gérés par l’université, c’est de l’ordre de 460.000 m2, là on parle de 1.200 m2. Si on veut raisonner sur ce prorata, on a beaucoup plus investi à Tamaris qu’on l’a fait dans tous les autres bâtiments en moyenne sur le site de Lyon. »

Frédéric Fleury : « Les investissements ont continué régulièrement, même si en apparence, et ce n’est qu’une apparence, le fait que ce soit en bord de mer, comme je le disais tout à l’heure, cela se dégrade rapidement, et il faut régulièrement des opérations de rénovation, d’embellissement qu’on doit maintenir. Là, on l’a fait récemment… Des fois, ça relève un peu du coup de peinture… Là, il y avait une opération sur les grilles extérieures, il y avait un changement à faire, dans trois ans, on pourra voir un peu la corrosion, mais ce n’est pas pour autant qu’on laisse tomber le bâtiment en terme d’investissement immobilier… »

Frédéric Fleury : « Il y a eu quand même toute une série d’opérations de travaux, régulièrement, on n’est pas remonté jusqu’à un certain nombre d’années, mais ces 20 dernières années, il y a eu des travaux réguliers qui ont été faits. »

2.2.2 L’éloignement, enjeu économique

Contrairement à Banyuls et Villefranche qui sont de vrais laboratoires, Tamaris, avec Gérard Brichon, n’est pas un laboratoire « en lui-même ». C’est une équipe de recherche rattachée à Lyon 1.

D’après Lionel Collet, il semble que son conseil d’administration n’était plus favorable au maintien d’une équipe de recherche si lointaine 1 : le site est loin du siège et c’est aussi loin « scientifiquement » : les échanges sont difficiles.

Lionel Collet : « La vision globale d’une grande partie du milieu, c’était que c’était très loin de Lyon, et qu’il fallait envisager une solution qui ne soit pas une solution lyonnaise ».

Lionel Collet : « Donc j’étais partisan de trouver une solution pour Michel Pacha. Donc voilà le cadre, mais je le redis, ce n’était pas dans la culture lyonnaise du moment… »

Lionel Collet : « Comment faites-vous voter par votre conseil d’administration, au moment où vos laboratoires de chimie ont pris feu, un bâtiment, c’est une réalité, qu’il fallait mettre une somme importante à Villefranche… à Michel Pacha ? Il y a vraiment une difficulté d’entraîner des personnes, je vous ai dit que sur le plan scientifique, j’ai pas senti le plein soutien, et ensuite, sur le plan financier vous ne le trouviez pas ».

Lionel Collet : « Ce qui a joué, c’est que c’est loin, et c’est loin des problématiques scientifiques. À Lyon, si les gens devaient regarder plus près, on regarderait dans les Alpes, ce qu’on peut faire comme recherches par rapport à la biologie de l’altitude, tout ce qu’on peut imaginer, mais… c’est trop loin ! Je crois que c’est vraiment un élément à prendre en compte, même si tout est relatif dans les distances, mais c’est loin du siège et c’est loin scientifiquement pour nous. Je crois que c’est là la difficulté ».

2.2.3 L’option « Vendre » (la dévolution du patrimoine)

A priori Lionel Collet dit qu’il ne voulait ni la dévolution, ni vendre. D’autres pensent le contraire (Nathalie Bicais, Gérard Brichon, François-Noël Gilly). Lionel Collet dit qu’il n’a jamais voulu demander la dévolution du patrimoine dans le cadre de la LRU 2 : « Moi, je peux vous dire que pendant ma présidence, nous, nous n’avons jamais demandé la dévolution du patrimoine, dans le cadre de la LRU nous n’avons jamais cherché à être propriétaire du patrimoine ». Donc la rumeur comme quoi Tamaris est à vendre serait fausse. Ce qui est vrai, c’est qu’il voulait fermer le laboratoire de Gérard Brichon : recherches faibles et mauvaises normes de sécurité pour recevoir du public.

François-Noël Gilly dit que Lionel Collet voulait la patrimonialisation (dévolution du patrimoine en même temps que le passage aux RCE – Responsabilités et Compétences Élargies des universités 3.

François-Noël Gilly :François-Noël Gilly«  C’était un antagonisme entre les biologistes et le président Lionel Collet — mais en tant que président, la médecine n’a jamais rien eu à voir là-dedans. Il pensait encore être dans les premières universités à passer à la dévolution du patrimoine en même temps que le passage aux RCE, finalement ça ne s’est pas fait. Le président Collet ne voulait pas remettre une équipe derrière parce qu’il s’était dit « on a pas besoin de ce truc », c’est le président Collet qui a vendu le chalutier, parce qu’il y avait un chalutier avec l’Institut Michel Pacha ». (Noter que Gérard Brichon dit que c’est lui-même qui a soldé le chalutier, qui ne servait à rien, et qui en définitive appartenait au CNRS. Le chalutier aurait cassé lors de sa récupération pour destruction).

François-Noël Gilly audio :

De son côté, Nathalie Bicais pense que l’université Lyon 1 voulait vendre :

« … l’université, oui, en plus ils ont passé une annonce dans Le Figaro, c’est comme ça que ça a mis le feu au poudre. C’est le directeur de cabinet de La Seyne qui m’a dit qu’il l’avait vu dans Le Figaro ».

2.2.4 Se positionner par rapport à la concurrence

Ne pas faire ce que les autres font déjà, comme Endoume, Villefranche, Banyuls… Les universités Pierre et Marie Curie (Sorbonne Université), Aix-Marseille et Toulon.

Frédéric Fleury : « En tout cas, l’idée, puisqu’on parle de stations marines, c’est pas du tout de faire de Tamaris une station marine tel qu’il existe à Villefranche, Banyuls ou d’autres, pas du tout. Il faut que ce soit un objet complémentaire, tourné autour des sciences marines, océanographiques, ou plus largement vers d’autres champs scientifiques, mais c’est pas du tout d’en faire une station marine avec un modèle expérimental fort, des aquariums… »

L’idée de Frédéric Fleury pour l’avenir de Tamaris se rapproche de celle du modèle de l’Hôtel à projets 4. Une sorte de Villa Médicis de la science où viendraient se travailler des projets scientifiques et à laquelle se mêlerait un Centre de rencontre, de congrès avec un amphithéâtre d’une centaine de place.

Frédéric Fleury : « c’est très attractif pour des chercheurs étrangers qui pourraient passer non pas trois jours de congrès, mais peut-être quelques semaines, voire plus, sur un site, pour rencontrer d’autres scientifiques de renom et de pouvoir discuter de projets futurs, de collaborations, de rencontres entre les disciplines. Je pense que de développer l’interdisciplinarité, c’est aussi des moments de réflexion assez générale pour voir comment les champs peuvent se croiser, faire émerger des discussions qui pourraient déboucher sur des programmes de recherche, de nouvelles idées, ça j’y crois beaucoup, et il faut bien accueillir les gens pour pouvoir faire venir ce type de personnalités à forte visibilité internationale, et le site le permet… »

2.2.5 La niche vs la plateforme.

La logique de la « plateforme » est une logique de mutualisation des moyens matériels, humains, et des ressources. Des instruments qui coûtent cher peuvent être partagés comme peuvent l’être un spectromètre de masse couplé avec un chromatographe en phase gazeuse, ou encore un outil de séquençage génomique. De la même manière, des ressources, des bases de données peuvent être réunies en un seul lieu pour éviter leur dispersion et en favoriser l’accès.

François-Noël Gilly : « Les plates-formes, dans certains domaines, elles deviennent de plus en plus complexes. Je pense en particulier aux plates-formes de séquençage à haut débit, par exemple. Où c’est bien d’avoir les séquenceurs, mais c’est aussi intéressant d’avoir les biostatisticiens qui sont capables d’analyser les résultats du séquençage derrière. Une université ne pourra pas tout se payer, il faudra bien qu’il y ait quelques plates-formes, très équipées, sur lesquelles pourront venir travailler des chercheurs venus d’horizons différents. »

Pour Tamaris, il aurait fallu investir comme à Roscoff, dit Jacques Bodennec.

Jacques Bodennec : « Autant les outils en biochimie étaient tout à fait respectables, avec des techniques reconnues par les pairs dans le domaine, autant ils n’avaient jamais passé le cap de l’utilisation d’outils modernes que permettent la biologie moléculaire ou la génétique par exemple. Et ça, c’est quelque chose qu’il aurait fallu faire si on avait voulu pérenniser la station. C’était une limite qu’on pouvait trouver par rapport à une grande station comme Roscoff, où ils ont ouvert un Institut de génomique fonctionnelle à visée organismes marins, il n’y avait rien de tout cela qui existait à Tamaris ».

Mais une mutualisation qui peut impliquer des attentes très longues avant d’avoir la possibilité d’accéder aux instruments pour pouvoir les utiliser (Jacques Bodennec parle de 24 mois de délai pour l’accès au chromatographe de la plateforme de Lyon 1 et il préférait lui-même se rendre à Tamaris, 500 km plus loin pour accéder à un petit chromatographe).

Jacques Bodennec : « Le problème auquel j’ai été confronté lorsque j’ai été recruté maître de conférences, c’est vrai que les analyses que j’allais faire à Tamaris, j’aurais pu les réaliser sur le campus de la Doua 5, mais le problème, c’est l’accessibilité des plates-formes existantes sur les campus. Il existe sur le campus de la Doua l’Institut multidisciplinaire de biochimie des lipides, notre équipe est d’ailleurs rattachée à cet Institut de biochimie des lipides, je fais partie du conseil scientifique de cet institut, mais le problème qu’on rencontre souvent pour l’accès aux plates-formes, c’est la disponibilité des équipements, et ça, c’est un problème, c’est quelque chose d’assez général, c’est-à-dire que c’est bien de faire des plates-formes, le problème, c’est que si on est obligé d’attendre six mois avant d’accéder aux services de la plate-forme, c’est tout simplement pas possible. Et ça c’est un gros problème, sur Lyon, mais pas qu’à Lyon, c’est le cas dans d’autres universités. J’ai eu l’occasion de discuter avec des collègues de ces problématiques-là, je comprends très bien cette politique de vouloir mutualiser les équipements au sein de plates-formes accessibles à tous, mais si on doit attendre…  Moi, ça m’est arrivé, on m’a donné des réponses qu’ils ne pourraient pas répondre à mes demandes d’analyses avant 24 mois. C’est simplement impossible. Je ne peux pas attendre. Et ça, c’est vraiment problématique. Soit parce que les machines sont saturées, elles tournent à flux tendu, soit parce que sur la plate-forme, on a l’équipement, mais on n’a pas le personnel pour la faire tourner. C’est un deuxième problème et on a beaucoup de progrès à faire dans ce domaine-là. Et c’est pour ça que je descendais à Tamaris : je connaissais l’équipement et je savais que dès que j’arrivais, je mettais la machine en route et elle était disponible ».

Jacques Bodennec dit par ailleurs qu’à l’Institut Michel Pacha, ils auraient pu faire une recherche de pointe sur une niche très précise.

Jacques Bodennec : « sur le plan scientifique, je me dis, c’est quand même dommage de fermer cette station, on aurait pu en faire quelque chose, on aurait pu en faire un bel outil de travail, mais toujours pareil, pour travailler sur des niches très spécifiques, et sur lequel on aurait pu faire de belles choses, y compris en termes de valorisation ».

Jacques Bodennec (suite) : « c’est une petite station qui aurait peut-être pu trouver sa place en termes de développement scientifique, en terme de savoir-faire, mais véritablement sur des petites niches très spécifiques, sur lesquelles on aurait pu bâtir et faire reconnaître un savoir-faire. La petite niche à laquelle j’avais pensée, ça tient aussi à l’histoire du laboratoire, c’était sur le développement qu’on aurait pu y faire sur des lipides complexes très particuliers que l’on ne trouve que chez des espèces d’origine marine, que l’on ne trouve pas chez les mammifères, l’homme y compris, et qui pourraient potentiellement avoir un intérêt thérapeutique, dans certaines pathologies 6 ».

Inversement, un peu plus loin dans l’interview, Jacques Bodennec reconnaîtra qu’une petite station éloignée veut aussi dire isolement : « Sur un autre plan, y compris professionnel, on est quand même isolé. C’est pas la même chose de travailler sur un campus, comme le campus de la Doua, par exemple, et une petite station comme la station de Tamaris. On est isolé, on a quelques collègues de travail, mais on n’est pas nombreux, il y a eu des étudiants, des stagiaires, mais ce n’est pas la même chose que de travailler dans un grand centre de recherche, où vous côtoyez une foule d’autres spécialistes avec qui vous pouvez échanger sur d’autres thématiques, d’autres sujets, d’autres problématiques, ce n’est pas du tout la même chose. Mais s’il est vrai qu’avec Internet, les nouvelles technologies de l’information, les consultations de bases de données à distance, c’est de moins en moins vrai. La station est isolée géographiquement, mais si on a besoin de consulter des bases de données, on peut le faire à distance, l’isolement géographique est relatif mais cela reste parfois problématique ».

Et pour revenir à Tamaris en tant que « niche » dont l’épanouissement scientifique n’est pas possible dans un contexte de fonctionnement de la recherche sous forme de plates-formes :

Jacques Bodennec : « Le seul regret que je peux avoir à ce sujet-là, c’est le fait que jusqu’alors, on n’ait pas réussi à investir dans la spectrométrie de masse. Ce qui aurait permis de passer un cap en terme de technicité et de ce qu’on aurait pu faire sur place dans ce laboratoire là-bas. Mais en même temps, ce n’était pas quelque chose de facile à vendre auprès des instances de l’université, parce que la mode entre guillemets, dans les grands centres universitaires, c’est la constitution de plates-formes. Et sur le campus de la Doua, ce sont les instruments qui sont mutualisés en fait. Et je comprends très bien. Quel intérêt d’aller investir 150.000 euros dans une machine pour l’installer à Tamaris pour que ça ne serve que les intérêts de recherche d’une seule équipe qui travaille à Tamaris, alors qu’on peut très bien investir dans une machine et la mettre sur une plate-forme qui va servir des intérêts plus larges… ».

2.2.6 L’autonomie économique de la station

Gérard Brichon a essayé de faire fonctionner Tamaris sur fonds propres. Jacques Bodennec avait aussi des contrats avec des industriels, mais il pense que ce type de financement reste aléatoire.

Gérard Brichon :

« J’ai mis aussi au point un process pour l’étude des céramides. Maintenant les céramides on en trouve partout : dans les dentifrices, dans les produits cosmétiques etc… On a été les premiers, c’était une boîte qui dépendait de BASF, et qui est devenue ensuite LVMH, et pendant quelques années, je produisais des céramides. Et je les vendais à l’industriel qui me ristournait l’argent sur l’université et ça rentrait dans les comptes de l’agent comptable ».

Jacques Bodennec : « Moi quand j’avais été recruté maître de conférences, j’avais trouvé un contrat avec une entreprise étrangère, qui travaillait aussi sur les lipides complexes, et avec laquelle on avait collaboré. C’est vrai que cela a permis de faire rentrer une certaine somme d’argent pour faire tourner le laboratoire de Tamaris aussi, acheter les produits, les consommables dont on a besoin pour les expériences, mais cela reste aléatoire, le contrat a une durée de vie, lorsque le contrat est terminé, si on n’a pas d’autres contrats, comment on fait pour faire tourner le laboratoire ? »

Notes

1 Après le départ à la retraite de Gérard Brichon, l’UMR ne sera pas reconduite : « Bruno Allard n’a pas fait la demande de reconduction de l’unité dont dépendait Tamaris : UMR 5123, physiologie intégrative cellulaire et moléculaire », d’après Jacques Bodennec.

2 LRU : Loi relatives aux libertés et responsabilités des universités. Loi française no 2007-1199 du 10 août 2007 adoptée sous le gouvernement François Fillon en 2007. La loi donnait aussi la possibilité aux universités de devenir propriétaire de leurs biens immobiliers.

3 Le passage aux Responsabilités et Compétences Élargies (RCE) s’inscrit dans le cadre de la loi LRU et visait à renforcer sa logique, principalement en donnant aux Universités la pleine gestion de tout leur personnel.

4 Hôtels à projets http://www.cnrs.fr/mi/spip.php?article2
« Les Hôtels à projets (HAP) sont des structures interdisciplinaires inscrites dans le tissu local, qui ont vocation à attirer des chercheurs et/ou des équipes de renommée nationale et internationale, participer avec les laboratoires du site à la formation à l’interdisciplinarité et à l’émergence de jeunes talents. Pour ce faire ils assurent :
– une recherche interdisciplinaire dite « de contact » permettant la confrontation de cultures différentes.
– La présence d’équipes projets recrutées sur appel d’offre et entretenant un flux régulier de visiteurs.
– Une plateforme technologique de haut niveau et ouverte, animée par du personnel qualifié.
En partenariat avec les centres de recherche et d’enseignement supérieur, les collectivités territoriales et les acteurs économiques, des appels à projets sont lancés ; ils assurent le flux régulier de visiteurs, chercheurs et/ou équipes, porteurs des nouveaux projets. Les séjours peuvent varier selon les objectifs recherchés. Ces dispositifs s’intègrent à l’évolution du paysage français de la recherche et de l’enseignement supérieur ainsi qu’aux initiatives territoriales visant à renforcer la compétitivité basée sur l’économie de l’innovation.

Hôtels à projets en cours :


– L’Institut de Recherche Interdisciplinaire, IRI à Lille
– L’Institut des Technologies Avancées en Sciences du Vivant, ITAV à Toulouse
– Le Laboratoire Joliot Curie, LJC à Lyon
– L’Institut Européen de Chimie et Biologie, IECB à Bordeaux
– Institut de Recherche sur les composants logiciels et matériels pour l’Information et la Communication Avancée, IRCICA à Lille
– Institut rhône-alpin des systèmes complexes, IXXI à Lyon »

5 La Doua est un campus situé sur la commune de Villeurbanne, au nord-est de l’agglomération lyonnaise. Il regroupe plusieurs entités de recherche et d’enseignement, dont l’université Lyon 1.

6 Voir le projet d’UMR de Gérard Brichon en 2005, avec deux laboratoires de l’université d’Aix-Marseille et l’Institut de médecine navale du Service de santé des armées. L’UMR aurait été chapeauté par l’Institut de médecine navale de l’hôpital Sainte-Anne.

partie suivante :

Troisième partie. Affrontement dans le domaine politique : enjeux stratégiques