Les stations maritimes en France


Institutions, pratiques, cultures.

Quels enjeux, quels avenirs nous dévoilent les changements et les variations qui traversent les politiques scientifiques et institutionnelles des stations maritimes ?

Les stations maritimes sont le modèle d’un genre (une pratique et une méthode scientifique) qui a voulu, en son temps, amener sur la terre « le vivant de la mer », ses organismes, plantes et animaux, pour en étudier le fonctionnement in situ, dans un environnement proche de leur milieu de vie.

La plupart des stations sont nées au XIXe siècle, permettant aux chercheurs de pouvoir travailler ailleurs que dans les auberges et les petites pensions côtières. Les aquariums, les salissures et les odeurs pestilentielles qui les accompagnaient en avaient fait « les bêtes noires » des hôteliers.

Entre 1859 et 1899, en France, furent ainsi construites 14 stations maritimes. La plupart s’intéressant à la zoologie, à l’océanographie physique et/ou chimique, au déplacement des masses d’eau… ou encore à la pêche.

Chaque station avait une particularité disciplinaire comme la physiologie, la systématique, la cytologie ou encore l’étude du développement des organismes. Certaines stations n’ont eu qu’une existence temporaire, d’autres sont toujours actives comme par exemple celles de Wimereux, Roscoff, Concarneau, Banyuls-sur-Mer, Endoume ou Villefranche-sur-Mer, avec parfois un changement de localisation ou de propriétaire, et non sans une variation des enjeux scientifiques et politiques.

L’objet de cette recherche est d’étudier ces changements et ces variations dans les politiques institutionnelles des stations maritimes. Ils nous renseignent sur le fonctionnement de la science, la politique de production des savoirs et son rapport au territoire tant au niveau local que national ou international.

Pour premier exemple de notre corpus, nous avons choisi la station de Tamaris à La Seyne-Sur-Mer, première station de physiologie animale au monde pour l’étude des animaux marins. Elle fut laissée exsangue une première fois au sortir de la Seconde Guerre mondiale, n’ayant pas échappé aux conséquences des bombardements de Toulon. Déjà en 1945 se posait la question de la restaurer ou non ; pour mener quel type de recherche, et avec quels partenaires ?

Aujourd’hui encore la station maritime négocie sa survie ; cette fois dans le cadre d’un procès qui l’oppose aux héritiers de son fondateur-donateur : Marius Michel de Pierredon, dit Michel Pacha. Ses descendants reprochent au propriétaire de la station, l’université Lyon 1, de ne pas se conformer aux directives du legs qui préconisaient notamment la nature des recherches devant y être effectuées : la physiologie animale marine. Le fonctionnement institutionnel du laboratoire était également déterminé par ces directives.

Dans ce moment d’intense changement, de « crise », se mobilise un grand nombre d’acteurs tant institutionnels (avec la justice, l’État, les universités, les collectivités territoriales, les institutions scientifiques), qu’économiques (avec les entreprises), sociaux (avec les associations d’usagers), et des personnalités locales (avec des élus, des chercheurs, des citoyens sensibilisés).

Ces mobilisations qu’accompagnent les changements nous replongent dans l’histoire de la station maritime, et nous renseignent sur ses espérances et ses nouveaux enjeux.

La mobilisation des acteurs autour de la station marine de Tamaris n’est pas un cas particulier. Même si chaque station n’est pas confrontée à une crise grave, elles sont le fruit des politiques scientifiques, et induisent elles-mêmes des modifications dans ces politiques scientifiques nationales voire internationales. Inversement, elles génèrent des espaces où peuvent se reconstruire des pratiques locales : autour de chacune d’entres elles s’entremêlent les échelles (locale, nationale et internationale) et les points de vue (patrimoine et architecture, tourisme, industrie navale, pêcherie, laboratoire).

Les stations remarquables actuelles (corpus) sont :

Les stations maritimes fondées à la fin du XIXe siècle sont les suivantes : Concarneau (1859), Roscoff (1872), Wimereux (1874), Luc-sur-Mer (1874), Cette (Sète) (1879), Banyuls-sur-Mer (1881), Arcachon (1883), Villefranche-sur-Mer (1886), Tatihou (1887), Le Portel (1888), Endoume (1889), Tamaris (1889-1900), Monaco (1910). À ces stations nous devons ajouter des laboratoires à vocation maritime (Le Havre), des stations discrètes (Pen-Château au Pouliguen), des stations privées (Embleteuse dans le Pas-de-Calais) et les stations d’outre-mer (Indochine, Madagascar, Algérie, Tunisie…).