À Charlie

L’attentat contre Charlie Hebdo a coûté la vie à douze personnes, dont sept caricaturistes, chroniqueurs et correcteur. C’étaient des frères, des compagnons, des usagers si infiniment réjouissants de la liberté d’expression. Ils ont habité la liberté républicaine comme de bonnes pantoufles familières, au lieu de la mettre dans des vitrines poussiéreuses et délaissées, comme c’est trop souvent le cas désormais dans nos institutions et nos médias.
Ils sont morts non pas pour des actions éclatantes, ni pour des idées politiques défendues contre les intérêts d’autrui. Ils sont morts à cause de leur appétit quotidien, joyeux, inlassable pour la liberté d’expression tout en sachant fort bien ce qu’ils risquaient. Pour leur capacité à rire de tout sans se laisser impressionner par de fausses nécessités de réserve, dans la mesure où ils ne s’occupaient pas de construire des faits, mais de regarder nos manières d’être les uns à l’égard des autres : pouvoir, sexe, peur, fausses raisons, misères innombrables de nos comédies sérieuses.
Nous perdons du temps, jour après jour, à nous laisser distraire du plein usage d’une démocratie dont les membres ordinaires cherchent essentiellement et depuis toujours à vivre quotidiennement ensemble du mieux qu’ils peuvent, à apprendre, transmettre, à supporter malentendus et différences. Nous nous sommes laissé pervertir par l’idée que ce sont des objectifs trop banals ou trop complexes. Nous manquons d’une capacité à assumer réellement l’amour de la liberté, le goût de l’autre, la conviction viscérale de l’égalité, l’exercice de la liberté, l’appétit pour la réflexion et la création, nous qui sommes ensemble, tous contemporains et tous différents dans un monde complexe.
Les membres du master Journalisme, culture et communication scientifiques regrettent, admirent, saluent les disparus, et souhaitent leur rendre hommage en affichant, pour chaque jour, l’urgence de se dédier pleinement à la réflexion, et de mettre dans nos activités de recherche et d’enseignement, dans nos relations entre nous et avec les étudiants, la même force, la même énergie, la même intensité, que celle que les sinistres mettent dans leur volonté de nuire, de détruire, de haïr.